Episode

Épisode 38 : Pierre-Nicolas, le Parti Socialiste et l’immigration

13 février 202512 février 2025 by M.

Je suis très heureuse d’accueillir Pierre-Nicolas Baudot, Docteur en sciences politiques depuis décembre 2023. Dans cet épisode nous allons nous intéresser à son travail de thèse intitulée : « Le Parti socialiste et la politisation de la question « immigrés » : analyse idéelle d’une mutation partisane (1971-2017) ».

Mon invité a réalisé son doctorat sous la direction du Professeur Sylvie Strudel de l’Université Paris Panthéon Assas et du Professeur Rémi Lefebvre de l’Université de Lille.

Pour ce travail, Pierre-Nicolas a obtenu le Prix solennel de la Chancellerie 2024.

Résumé

En 2017, le Parti socialiste (PS) échoue au premier tour de l’élection présidentielle en obtenant quelque deux millions de voix (6,36%), cinq ans après en avoir accumulé dix-huit millions au second tour. Cette défaite met un terme à une période ouverte par la refondation du parti en 1971, où le PS a gouverné durant vingt-quatre années en devenant l’un des deux principaux partis français. Cette trajectoire, au cours de laquelle le parti est passé du statut de parti d’opposition, à celui de parti de gouvernement puis, finalement, à celui de force supplétive, pose la question de la capacité du parti à justifier de sa propre existence, à s’adapter aux évolutions du conflit politique et à produire de nouvelles idées. Pour y répondre, la thèse étudie l’attitude du PS face à la politisation de la question « immigrés ». Cette notion désigne d’abord les enjeux relatifs aux mouvements migratoires, c’est-à-dire aux entrées et sorties du territoire de personnes étrangères nées à l’étranger. Cependant, les références à l’immigration dans la compétition politique excèdent cette dimension strictement administrative, pour inclure les enjeux relatifs à la diversité culturelle de la société. La notion de question « immigrés » vise ainsi à faire apparaître les liens récurrents entre ces deux séries d’enjeux, sans pour autant les réduire les uns aux autres.
La thèse étudie comment le PS a intégré le thème des « immigrés » à son agenda, initialement absent dans les années 1970, puis devenu plus visible dans les années 1980 et 2000 en réponse à la montée de l’extrême droite et à la nécessité de redéfinir ses positions autour du libéralisme culturel. La thèse de Pierre-Nicolas révèle que la politisation de cette question a été influencée par des dynamiques externes plutôt qu’internes, et que le PS a souvent adopté des stratégies de dépolitisation et de reformulation pour éviter les tensions internes.
Pierre-Nicolas souligne que, bien que le PS ait contribué à la légitimation politique de la question « immigrés », il n’a pas réussi à en faire un axe stratégique durable. Au lieu de cela, les prises de position du parti ont souvent été axées sur le consensus et la neutralisation des débats conflictuels, ce qui a conduit à une dilution de son discours collectif sur des enjeux controversés.
La thèse aborde également la transformation du PS en un parti de gouvernement, où sa capacité à produire des idées a été progressivement remplacée par une fonction de mobilisation électorale. Cette transformation a eu pour conséquence un désengagement des militants et un déplacement des ressources vers des réseaux informels autour des personnalités du parti, ce qui a de fait fragilisé la production idéelle.
Enfin, le travail de Pierre-Nicolas met en avant la nécessité d’analyser le discours partisan dans un contexte où la gestion des positions de pouvoir prime sur la prise de position collective, entraînant une neutralisation de l’expression collective sur des sujets sensibles. Finalement, le parti peine à développer un projet politique cohérent et reconnu collectivement.

Sommaire

00 min 00 : 1er mémoire sur l’OFPRA & 2 ème mémoire « le discours de la gauche médiatique sur l’identité nationale à l’élection de 2017 »
11 min 14 : Définition du sujet de thèse
15 min 09 : La question « immigrés »: de quoi on parle ? Deux séries d’enjeux : ce qui relève de la diversité culturelle du pays et la question juridique.
18 min 30 : Petit historique du Parti Socialiste : à partir de 1905 , clivage de classes et guerre d’Algérie
24 min 27 : La question de l’altérité avant 1971 : l’immigration de travail – moins européenne – en comparaison avec l’entre deux guerres = une question secondaire et un racisme profondément ancré
27 min 10 : Quand l’immigration devient un sujet qu’on adresse : Feu foyer SONACOTRA, Circulaire Marcellin-Fontanet, Bidonville de Nanterre & le million Stoleru
35 min 11 : Est ce qu’un parti est obligé de se positionner sur un sujet quand un parti autre le met à l’agenda politique ?
36 min 53 : Le découpage chronologique de la thèse /L’élection municipale de Dreux : on peut gagner ou perdre une élection sur cette question – il faut fournir une position

45 min 50 : Des différence qui unissent aux différences gommées pour ne se tourner que sur ce qui uni / « le retour est un mythe » comment est ce qu’on «insère»
53 min 37 : Congrès de Brest – redistribution des enjeux laïcité / représentation / égalité / discrimination
55 min 17 : Qu’est ce que ça change à la ligne du parti quand il dirige le pays : Le parti en aval du gouvernement et non plus en amont / le parti ne produit plus d’idée et se divise – le choix du discours consensuel
1 h : La création de SOS Racisme : Julien Dray, Laurence Rossignol et Harlem Désir / Drame du train Bordeaux Vintimille – Habib Grimzi, la marche des beurs
1 h 10 min : « le PS : un intellectuel qui ne pense pas » – Rafael Cos / Pas de travail collectif de production d’idées, Le PS divisé en écuries présidentielles, il faut neutraliser le sujet de l’immigration – il n’y a que des choses à perdre en évoquant ce sujet
1 h 14 : Jospin au pouvoir, nvlle loi sur l’immigration – synthèse républicaine
1 h 30 : Le PS a changé de nature – gérer une rente électorale : ne pas se scinder et maintenir l’intégrité du parti et l’après 2017
1 h 38 : Le temps de la thèse : 151 entretiens, Jean Glavany et enquête judiciaire
1h 46 : Faire parler les témoins
1 h 51 m : Monographies sur Clermont-Ferrand et sur Roubaix
1 h 57 : Le futur de cette thèse
2 h 00 : La soutenance et Laetitia Casta
2 h 03 : L’après thèse – carrière
2 h 06 : Des sujets encore à traiter ? Comment survivre à la thèse ?

Extraits

Ressources complémentaires

Article

Baudot, P. (2023) . Le PS et l’antiracisme : de l’instrumentalisation à la mise en cause, genèse d’une incompréhension. Cahiers de la LCD, n° 16(1), 23-45 : https://doi.org/10.3917/clcd.016.0023

Livres

MARTIGNY, V., Dire la France. Culture(s) et identités nationales (1981-1995), Paris, Presses de Sciences Po, 2016
LEFEBVRE, R., SAWICKI, F., La société des socialistes, le PS aujourd’hui, Bellecombe-en-Bauges, Éditions du Croquant, 2006
BOUBEKER, A., HAJJAT, A., Histoire politique des immigrations (post)coloniales : France, 1920-2008, Paris, Éditions Amsterdam, 2008
FRASER, N., Qu’est-ce que la justice sociale ? : Reconnaissance et redistribution, Paris, La Découverte, 2005
MASCLET O., La gauche et les cités. Enquête sur un rendez-vous manqué, Paris, La Dispute, 2003
MAZOUZ, S., Race, Anamosa, 2020
SENAC, R., L’égalité sous conditions. Genre, parité, diversité, Paris, Presses de Sciences Po, 2015