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Épisode 14 : Mathilde, Patrimoine & Humanité

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Bonjour à tous !

Je suis très heureuse de faire la rentrée du Dazibao aujourd’hui en compagnie de Mathilde Leloup pour parler de sa thèse : Redéfinir l’humanité par son patrimoine : l’intégration de la protection des sites culturels dans le mandat des opérations de paix onusiennes.

Mathilde a soutenu sa thèse en 2019, elle était sous la direction du professeur Frédéric Ramel pour le Centre de Recherche International de Sciences Po Paris et de Dacia Viejo – Rose pour l’Université de Cambridge et le McDonald Institute.

Mathilde a remporté le premier prix scientifique 2020 (ex-aequo) de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) ainsi que le prix des Éditions Dalloz 2020.

Vous pouvez donc retrouver son travail publié aux éditions susnommées dans les meilleures librairies 😊

Résumé

À partir de juin 2012, le groupe terroriste Ansar Dine s’empare du nord du Mali. De nombreux sites historiques et culturels sont alors détruits et pillés. Le 25 avril 2013, le Conseil de Sécurité de l’ONU charge la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali (l’opération de paix de l’ONU au Mali, également appelée MINUSMA) par le biais de la résolution 2100 « [d’] aider les autorités de transition maliennes […] à protéger les sites culturels et historiques du pays contre toutes attaques, en collaboration avec l’UNESCO ». Alors que cet évènement aura pu rapidement sombrer dans l’oubli, il est mobilisé par le personnel UNESCO comme un exemple de la protection du « patrimoine de l’humanité » face aux groupes terroristes quand, en 2015, l’État islamique entame une campagne de destruction systématique des sites irakiens et syriens classés au patrimoine mondial. D’évènement isolé et ponctuel, l’exemple de la MINUSMA devient alors le symbole de la défense de l’humanité face à l’inhumanité, de la civilisation face à la barbarie.

Grâce à une observation participante (au sein de l’UNESCO à Paris et du Département des Opérations de Paix de l’ONU à New York), à de nombreux entretiens avec des fonctionnaires onusiens (au siège et sur le terrain) ainsi qu’à un travail d’archives, cette thèse démontre que l’usage de la notion d’humanité par les organisations internationales leur permet de poursuivre des fins politiques tout en recouvrant leurs actions du « voile enchanté de l’apolitisme » (Lagroye, 2003 p. 371). Nous avons découvert que la crise de 2015, loin de représenter un obstacle, a au contraire été une opportunité sans précédent pour l’UNESCO de dépasser sa crise interne, mais également pour sa Directrice générale de s’affirmer comme une candidate crédible au poste de Secrétaire générale de l’ONU et pour l’Italie, de devenir un membre non permanent du Conseil de Sécurité. La crise, en donnant lieu à une rhétorique nouvelle de la part de certains acteurs (en l’occurrence, celle de la défense du patrimoine de l’humanité face à la barbarie), a donc eu pour effet de bouleverser la hiérarchie du multilatéralisme à leur profit.

Bibliographie

  • Guillaume Devin, Les organisations internationales, entre intégration et différenciation, Paris, Armand Colin, 2022.
  • Mathilde Leloup, Négocier l’élargissement de la sécurité à l’ONU, le patrimoine culturel dans les opérations de maintien de la paix, Négociations, n° 34, 2020, pp. 95-109.
  • Mathilde Leloup, Heritage protection as stabilization: the emergence of a new “mandated task” for UN peace operations , International Peacekeeping, vol. 26, n° 4, 2019, pp. 408-430.
  • Dacia Viejo-Rose and Marie-Louise Sorensen, Cultural heritage and armed conflict: new questions for an old relationship, in Emma Waterton and Steve Watson, The Palgrave Handbook of Contemporary Heritage Research, New York, Palgrave MacMillan, pp. 281–296.

Références citées dans l’épisode 

  • Johan Brosche, Mattias Legner, Joakim Kreutz and Akram Ijla, Heritage under attack: motives for targeting cultural property during armed conflicts, International Journal of Heritage Studies, vol. 23, n° 3, 2016, pp. 248–260.
  • Dario Gamboni, La destruction de l’Art, Iconoclasme et vandalisme depuis la Révolution française, Paris, Les presses du réel, 2015.
  • Mathilde Leloup, Turning destruction into an opportunity: understanding the construction of Timbuktu’s “success story” by UNESCO, in Emma Cunliffe, Antonio Gonzalez Zarandona and Melathi Saldin (dir.), Routledge Handbook of Heritage Destruction, Abingdon: Routledge, 2023, pp. 230–241.
  • Mathilde Leloup, Défendre l’humanité en protégeant son patrimoine. Un nouveau mandat pour les opérations de paix onusiennes, Paris : Dalloz, 2021.
  • Mathilde Leloup, Les Banques Culturelles : penser la redéfinition du Développement par l’Art, Paris : L’Harmattan, 2016.

Extrait